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|a La philosophie de la religion n est pas une discipline parmi d autres. Sa courte histoire d à peine trois siècles témoigne des états de la raison moderne et plus généralement de la modernité elle-même, si celle-ci peut se définir par les relations de la pensée à ses enracinements religieux, par les rapports de la raison à la croyance et à l institution religieuse. Produit des Lumières, mais tout autant première réaction inquiète, romantique ou rétrograde, au projet d une émancipation radicale par rapport au religieux dont les Lumières semblaient l achèvement, la philosophie de la religion a représenté le lieu essentiel où la raison moderne est venue se réfléchir, réfléchir son histoire et son opération, ce que la pensée occidentale avait fait de son lien à la religion, ce qu elle allait ou devait en faire. C est dire que sa démarche ne procédait pas simplement d une curiosité intellectuelle à l égard d un objet parmi d autres, fût-il l objet suprême : son enjeu était rien moins que la nature de la modernité elle-même. Elle y traduisait les exigences de la raison occidentale, peut-être son besoin ; elle décidait d une solution qui lui donne une assise ; elle en montrait le visage, dans ses dimensions épistémologiques, métaphysiques, morales, politiques. Cet enracinement dans les besoins de l époque, les intérêts premiers de la raison, dans la nécessité aussi d interpréter ce qui arrive à la modernité occidentale dans son rapport à la religion, continue d en légitimer, aujourd hui plus que jamais, l exercice : c est sa raison d être. Or le noeud de cette intrigue, le centre polémique de ces rapports entre raison et religions que veut clarifier et traiter la philosophie de la religion, c est la question de la vérité. Comme si son exercice était en définitive le prolongement technique et surtout le renouvellement de la question qu un procurateur romain posait à un individu qui se proclamait lui-même la vérité : Qu est-ce que la vérité ? Cette question interroge la religion en deux sens : elle interroge pour savoir si la religion est vraie mais aussi pour savoir ce qu est le vrai selon elle qui en fait également sa valeur suprême. Mais ce faisant, c est bien la raison philosophique qui se pose à elle-même cette question : Qu est-ce que la vérité pour toi, c est-à-dire pour nous ? Pour se poser une telle question, et la poser de manière si décisive à la religion, il faut qu elle ait gardé un peu de son intérêt. Or cette question nous intéresse-t-elle encore ? Dans notre modernité tardive que certains nomment postmoderne, tenons-nous encore à la vérité ? C est cette question qui est au centre de la philosophie de la religion.
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